
Un des plus grand quimboiseur de la Martinique |
Personnage emblématique de la Martinique du XXᵉ siècle, Gran Z’ongle, de son vrai nom Gaston Faustin Homat, incarne la complexité du quimbois entre spiritualité, superstition et héritage culturel afro-créole.
Son nom résonne encore dans les quartiers de Fort-de-France, notamment aux Terres-Sainville, où il vécut, prospéra et marqua toute une génération.
Figure fascinante, tantôt respectée, tantôt redoutée, il occupe une place singulière dans l’imaginaire collectif martiniquais.
Parcours et vie publique
Né dans une famille modeste du Gros-Morne, Homat quitte très tôt sa commune natale pour s’établir à Fort-de-France, dans le quartier des Terres-Sainville. Doué d’un vif sens des affaires, il s’enrichit progressivement grâce à divers commerces et placements immobiliers.
Il possédait plusieurs maisons aux Terres-Sainville, sur la route de la Folie et dans d’autres communes alentour. Son aisance financière lui permit d’adopter un style de vie ostentatoire : complet bien coupé, feutre sombre, chemise blanche et canne à pommeau d’argent.
Sa montre à gousset, passée dans la boutonnière de son gilet, et son ongle démesuré au petit doigt, lui valurent ce surnom devenu légendaire : Gran Zongle.
Homme de spectacle, il fréquentait assidûment le monde des combats de coqs, préparant lui-même ses volatiles avec l’aide d’un certain Bagoule, connu pour sa maîtrise de l’alimentation des animaux. Courtois, d’une politesse raffinée, Gran Z’ongle saluait chacun avec prestance, modulant sa voix tantôt grave, tantôt aiguë, comme s’il oscillait entre deux mondes.
Un quimboiseur craint et respecté
Considéré comme l’un des plus puissants quimboiseurs de la Martinique, il exerçait son art entre médecine empirique, incantations et symboles religieux revisités. Certains affirmaient qu’il possédait le don de terrasser d’un simple regard, d’autres qu’il conseillait des notables en secret. Ses pratiques, couvertes d’une aura de mystère, attiraient autant la crainte que la curiosité.
On le disait profondément superstitieux, terrifié notamment par les lézards, qu’il considérait comme des messagers du mal. Sa réputation franchit les rivages de la Martinique pour atteindre la Guadeloupe et d’autres îles voisines, alimentant les rumeurs et les récits populaires.
Le drame des Terres-Sainville
Dans la nuit du 18 au 19 février 1965, Gaston Faustin Homat mit fin à ses jours à son domicile du 21 rue Alexandre Trissot, aux Terres-Sainville, à l’aide de sept cravates de soie.
Sa lettre d’adieu, retrouvée près de son corps, contenait une phrase devenue célèbre : « J’ai fait du mal à 402 personnes. »
Ce geste tragique suscita une vive émotion.
Des milliers de personnes se rassemblèrent devant sa maison pour rendre un dernier hommage à cet homme dont la mort, comme la vie, laissait planer un parfum de mystère.
Il repose désormais au cimetière de La Joyau. Sa disparition mit un terme à une époque où le quimbois, loin d’être marginal, participait à la vie spirituelle et sociale de l’île.
Héritage culturel
Plus qu’un simple sorcier ou charlatan, Gran Z’ongle symbolise un pan entier de l’histoire culturelle martiniquaise. Son parcours révèle la coexistence entre savoir et croyance, entre besoin de pouvoir et quête de sens.
Son personnage continue d’inspirer les romanciers créoles tels que Raphaël Confiant ou Patrick Chamoiseau, qui s’appuient sur sa légende pour interroger les frontières entre mythe et réalité.
Aujourd’hui, historiens et anthropologues le reconnaissent comme une figure patrimoniale du quimbois, témoin d’une créolité en tension entre héritage africain, rationalité moderne et mémoire populaire.
Il laisse une trace durable dans l’histoire contemporaine de la Martinique et dans la mémoire collective d’un peuple partagé entre peur et fascination.
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