Daniel Bolivard

Daniel Bolivard est une personnalité martiniquaise emblématique de l’Insurrection du Sud de septembre 1870, événement majeur de la culture et de l’histoire antillaise. Son nom est étroitement lié à la lutte menée pour la justice sociale, l’égalité républicaine et la dignité post-esclavagiste.

À cette époque, la Martinique vit encore sous le poids d’un régime colonial marqué par de profondes inégalités, malgré l’abolition de l’esclavage intervenue vingt-deux ans plus tôt. L’affaire dite de Léopold Lubin agit comme le détonateur d’une contestation populaire. Le 19 février 1870, après l’agression humiliante de ce jeune commerçant noir par un officier blanc, puis sa condamnation injuste à cinq ans de bagne, une colère sourde se propage à travers le Sud de l’île.

Le 22 septembre 1870, cette colère éclate. Les populations de Rivière-Pilote, Sainte-Luce, Rivière-Salée et Saint-Esprit se soulèvent. 

L’habitation La Mauny, propriété de Codé, figure locale du pouvoir blanc, est incendiée. Dans cette effervescence révolutionnaire, Daniel Bolivard rejoint la rébellion et devient l’un des chefs du camp de la Régale, aux côtés de Louis Telgard, Eugène Lacaille et de la célèbre Lumina Sophie, dite « Surprise ».

Bolivard participe à la mobilisation du peuple en armes, dans une Martinique en quête de liberté et d’égalité, que les autorités coloniales perçoivent comme une menace d’indépendance.

Collaborations et affiliations

Membre du camp de la Régale, Daniel Bolivard unit ses forces avec les figures majeures de la révolte populaire – Telgard, Lacaille, Lumina Sophie – pour structurer la résistance face à la répression coloniale.

Ces insurgés symbolisent une coalition spontanée née du peuple, sans hiérarchie institutionnelle, mais animée par un même idéal : rendre justice à Léopold Lubin et affirmer la citoyenneté noire au sein de la République.

Les témoignages historiques attestent que Bolivard appartenait à ces chefs de terrain capables de maintenir une organisation militaire et civique alors que la Martinique basculait dans le chaos.

Impact et héritage

La contre-offensive coloniale déclenchée par le gouverneur Charles Menche de Loisne est brutale. Entre 1870 et 1871, les insurgés sont traqués, abattus ou condamnés à mort. En décembre 1871, les tribunaux prononcent huit exécutions capitales et plus de quatre-vingt-dix condamnations au bagne en Nouvelle-Calédonie.

Daniel Bolivard, résistant jusqu’au bout, représente aujourd’hui l’incarnation de l’engagement antillais. Son combat, comme celui de ses compagnons, révèle la contradiction entre la République française proclamée et la réalité coloniale qu’elle maintenait outre-mer.
À travers son action, Bolivard s’inscrit dans la mémoire de la créolité comme un acteur de la lutte pour la dignité, dont les échos résonnent encore dans les débats martiniquais sur la citoyenneté, la liberté et la mémoire collective.

Il demeure une figure du patrimoine historique martiniquais, célébrée dans les commémorations de Septanm 1870, où la mémoire des insurgés est ravivée par des associations culturelles, des historiens et des collectifs citoyens œuvrant à la reconnaissance de cette page tragique mais fondatrice de la société antillaise moderne.

Un dernier hommage

Le destin de Daniel Bolivard reste partiellement inconnu. Il aurait péri pendant la répression de 1871 ou lors de la vague d’arrestations qui précéda les condamnations au bagne. Son souvenir, transmis de génération en génération, demeure particulièrement vivant dans le Sud de la Martinique, notamment à Rivière-Pilote et Sainte-Luce, lieux symboles de l’insurrection.
Aujourd’hui, des cérémonies mémorielles lui rendent hommage en rappelant sa contribution à la lutte pour la justice et la reconnaissance du peuple noir martiniquais.