Rodolphe Richer

Né le 9 août 1884 à Sainte-Marie (Martinique), Johannes Marie Joseph Crispin Rodolphe Richer fut une figure marquante de la vie politique martiniquaise dans les années 1930. Issu d’une famille bourgeoise mulâtre, il s’est distingué par son engagement local, son attachement à l’école laïque et son lien étroit avec le monde ouvrier. 

Maire de Sainte-Marie et acteur de la mutation politique de la Martinique préseconde-guerre, il incarne la complexité des rapports sociaux et raciaux de la période coloniale.

Une origine bourgeoise et une formation éducationnelle

Fils de Richer Velmont Eucher, dit Sonson, et de Joannes Marie Louise Sylvanie, Rodolphe Richer est légitimé le 3 juillet 1888, adoptant officiellement le nom Richer. 

Formé dans une Martinique en pleine transformation économique, il obtient le brevet élémentaire et entre rapidement dans la vie active après son service militaire.

Le 9 août 1913, il épouse à Fort-de-France Monnerot Julia Ange, avec qui il aura six enfants. 

Parmi les témoins figure Émile Yoyo, ingénieur et maire nommé durant la guerre, symbole de ses liens avec la bourgeoisie locale et les élites industrielles de l’époque.

Des débuts entre industrie et politique locale

Après ses débuts comme employé à l’usine de Sainte-Marie, Rodolphe Richer entre dans la police municipale, où il occupe le poste de garde champêtre. 

Ce rôle, au contact direct du peuple, façonne son approche politique et sa compréhension des tensions sociales rurales.

Son engagement politique émerge naturellement : il devient conseiller municipal à Sainte-Marie, puis deuxième adjoint du maire Joseph Lagrosillière, figure historique du socialisme martiniquais. 

Mais en 1936, Richer crée la surprise en remportant les élections municipales, battant Lagrosillière pour devenir maire de Sainte-Marie, tournant ainsi une page de 22 années de mandat socialiste.

Une période marquée par la crise ouvrière

Les années 1930 sont synonymes de crise pour la Martinique : chute du prix du sucre et du rhum, baisse des salaires, et montée du mécontentement ouvrier. En 1935, la réduction de 20% des salaires provoque des grèves massives. 

Bien que membre du Parti socialiste, Rodolphe Richer est accusé d’avoir soutenu les usiniers, notamment Raymond Huygues Despointes, administrateur de l'usine de Sainte-Marie.

Cette ambiguïté politique lui attire les critiques de son ancienne formation et de Joseph Lagrosillière, alors député-maire, qui tente de restaurer les salaires ouvriers. Le gouverneur le suspend de ses fonctions pour trois mois en raison de sa gestion controversée. 

Malgré cela, Richer regagne la confiance d’une partie de l’électorat et remporte la mairie de Sainte-Marie le 31 mai 1936.

Un parcours politique en dents de scie

L’ascension de Rodolphe Richer est suivie d’un lent déclin. En 1937, il échoue aux élections cantonales, battu par un candidat soutenu par Lagrosillière. 

Ses relations avec la population se tendent et sa majorité municipale s’effrite peu à peu. Il conserve néanmoins la mairie de Sainte-Marie jusqu’à sa mort en 1939, après plusieurs revers électoraux, illustrant la fragilité des équilibres politiques de l’époque.

Héritage et reconnaissance posthume

Rodolphe Richer décède le 22 juin 1939 à Sainte-Marie, à l’âge de 54 ans. Il est remplacé par Louis Érimée à la tête de la commune. Son nom reste associé à la défense de l’école laïque et à la promotion de l’enseignement public. 

En 1978, la commune honore sa mémoire en donnant son nom à l’école maternelle de Villeneuve, geste symbolique d’une reconnaissance tardive mais durable.

Il repose désormais au cimetière de Sainte-Marie, entouré des familles Richer, Monnerot, Érimée et Lagrosillière.

Il laisse une trace indélébile dans l’histoire politique et éducative de la Martinique, reflet d’une époque de luttes et de mutations sociales.