Ancien député, journaliste | |
Naissance | 22 juillet 1804 |
Décès | 25 juillet 1893 à 89 ans |
La Martinique, terre aux paysages époustouflants, recèle également une histoire marquée par la lutte pour la liberté et l'émancipation des peuples.
Si le nom de Victor Schœlcher est souvent associé à l'abolition de l'esclavage en 1848, l'histoire est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Derrière la figure emblématique de Schœlcher, souvent dépeint comme un héros abolitionniste, se cache un passé moins reluisant, celui d'un homme issu d'une famille de marchands liés au commerce colonial.
Ce sont en réalité les Noirs, à travers leurs résistances, leurs révoltes et leurs luttes quotidiennes, qui ont véritablement forgé l’abolition de l’esclavage en Martinique.
Victor Schœlcher : Un esclavagiste devenu abolitionniste
Avant d'être connu comme l'artisan de l'abolition, Victor Schœlcher était le fils d’un riche industriel qui bénéficiait des richesses des colonies françaises, basées en grande partie sur le travail des esclaves. Bien que Schœlcher lui-même ne fût pas directement propriétaire d'esclaves, sa famille était impliquée dans le commerce colonial, qui dépendait étroitement de l'exploitation des Noirs.
Ce n’est qu’au fil de ses voyages dans les colonies, notamment aux Antilles, que Schœlcher prit conscience de l’atrocité du système esclavagiste. Ce contact direct avec la souffrance des esclavisés a éveillé sa conscience abolitionniste. Toutefois, il est important de souligner que Schœlcher n’a pas immédiatement prôné l'abolition totale et immédiate. Comme beaucoup de réformateurs de l’époque, il pensait initialement à une abolition progressive, sous contrôle de l’État, tout en conservant l'ordre social colonial.
Ce paternalisme, teinté de racisme, est une caractéristique notable de Schœlcher. Il voyait les anciens esclaves comme des êtres « inférieurs » qu'il fallait éduquer et civiliser selon les normes européennes, une vision qui s’éloigne des idéaux d’égalité totale. Son engagement abolitionniste s’est donc construit sur une base contradictoire, visant à libérer les Noirs, tout en maintenant un certain contrôle sur leur destin.
Le véritable combat : La lutte des Noirs pour leur propre liberté
Contrairement à l’image véhiculée par les récits traditionnels, l’abolition de l’esclavage en Martinique n’a pas été le fait de Schœlcher seul. En réalité, ce sont les esclaves eux-mêmes qui ont mené une lutte acharnée pour leur liberté. Dès le XVIIe siècle, des révoltes éclatent sur l’île, souvent violemment réprimées, mais jamais étouffées. Ces résistances, parfois discrètes, parfois explosives, ont pavé la voie à l’émancipation bien avant que Schœlcher ne devienne un acteur de cette histoire.
L’une des révoltes les plus significatives eut lieu en 1848, à Saint-Pierre, où les esclaves, encouragés par l'agitation en métropole, se sont soulevés pour réclamer leur liberté. Face à cette pression grandissante, les autorités locales n’eurent d’autre choix que de proclamer la fin de l’esclavage avant même que le décret de Schœlcher ne soit officiellement appliqué en Martinique. En ce sens, c'est bien la résistance locale qui a accéléré l’abolition.
Les Noirs martiniquais ne se sont pas simplement contentés d'attendre un décret venu de Paris ; ils ont pris leur liberté en main. Les marrons, ces esclaves fugitifs qui se cachaient dans les montagnes pour échapper à leurs maîtres, sont un autre exemple de cette lutte autonome. Leur résistance, à travers les générations, a contribué à fragiliser le système esclavagiste bien avant l’intervention de Schœlcher.
Déboulonnage des statues : Un rejet du mythe de Schœlcher en Martinique
Aujourd’hui, le débat autour du rôle de Victor Schœlcher est relancé en Martinique, notamment à travers des actions symboliques comme le déboulonnage des statues de Schœlcher en 2020. Ces actes, menés par des militants anticolonialistes, traduisent une volonté de réévaluer l’histoire et de reconnaître le véritable rôle des esclaves et des résistants noirs dans la fin de l’esclavage.
Pour beaucoup de Martiniquais, la glorification de Schœlcher a longtemps occulté la contribution essentielle des Noirs eux-mêmes dans cette lutte. Le déboulonnage de sa statue est une manière de réaffirmer que la liberté n’a pas été offerte par un homme blanc, mais arrachée par ceux qui étaient directement concernés : les esclaves eux-mêmes.
Schœlcher et l’héritage colonial : Entre ambiguïté et reconnaissance
Si Victor Schœlcher a joué un rôle indéniable en officialisant l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, son héritage est aujourd'hui vu sous un prisme plus nuancé. Les discussions autour de son statut révèlent les tensions entre un passé colonial encore omniprésent et le besoin de rendre justice aux véritables acteurs de cette libération.
Schœlcher, en tant qu’homme de son temps, est le produit d’une époque où le racisme et le paternalisme étaient la norme. Son œuvre abolitionniste, bien que significative, est marquée par cette vision eurocentrée, où les Noirs étaient perçus comme incapables de se libérer eux-mêmes sans l’aide des colonisateurs.
A la commémoration du 22 mai 2020, un groupe d'activistes a fait tomber le statue de Schœlcher de son socle avant de l'endommager à coups de masse.
Les militants contestent l'action de Victor Schœlcher et lui reproche notamment le décret suivant l'abolition de l'esclavage qui a permis l'indemnisation des propriétaires d'esclaves...